La relation avec les commerçants n'est pas épargnée par l'agitation autour des paiements
Au-delà de l'effervescence autour des Wallets et des objets connectés pour les particuliers, l'offre de services autour des paiements pour les commerçants connait également une transformation radicale. Entre les GAFAP (Google, Apple, Facebook, Amazon et Paypal), les Fintech très novatrices (Slimpay, Poynt, iZettle,…), et bien d'autres, de nombreux acteurs se positionnent pour proposer leurs services autour des paiements aux commerçants. Pour les banquiers, les risques sont nombreux : érosion du fonds de commerce, dégradation du niveau de proximité relationnelle ou encore perte de revenus. Pourquoi cette évolution ? Comment la banque peut-elle y répondre ?
Tout d'abord quelques constats sur l'évolution de ce marché qui se déforme autour de trois tendances de fond :
L'explosion des usages autour du e-commerce et du m-commerce : Le nombre de sites marchands ne cessent de croître (157 000 début 2015 selon la FEVAD) et 57 milliards d'euros de transactions sur internet ont été enregistrés en 2014 (en progression de 11% par rapport à 2013). Cette tendance amène les banquiers à réfléchir à l'extension de leurs services. Il s'agit notamment d'accompagner les commerçants dans leur développement sur ce canal, mais surtout maintenant dans l'adaptation de leur parcours d'achat en logique omnicanal.
Le régulateur modifie sensiblement l'écosystème au niveau européen sur plusieurs aspects. Tout d'abord il revisite profondément l'équilibre économique autour du paiement par l'évolution des règles sur les commissions (baisse des interchanges bancaires notamment). Ensuite, il harmonise et structure les échanges en introduisant de nouvelles normes (type SEPA ou EPAS), ce qui nécessite des investissements dans les infrastructures, massifie le marché et décloisonne progressivement les frontières géographiques. Enfin, il facilite la création de nouvelles typologies d'acteurs non banquiers (PSP, Etablissements de Paiements, Third Party Providers,…), ce qui renforce la concurrence sur tout ou partie de la chaîne de valeur et intensifie l'innovation.
L'évolution sur la gestion des données et les nouveaux services associés génèrent des propositions de valeur enrichie autour du paiement. Ainsi, on voit émerger dans ce domaine, des acteurs qui innovent et cherchent à se positionner tout azimut. Parmi eux, on retrouve Google via « Google My Business » qui propose des services d'accompagnement des commerçants pour la maîtrise de la vente en ligne et le passage au e-commerce ou des structures comme Be2Bill ou HiPay qui se positionnent à la fois comme partenaire sur le processing des paiements, mais également comme interlocuteur dans l'optimisation des tunnels de transformation ou la diminution des taux de fraude. On voit éclore des acteurs plus verticaux, tel La Fourchette qui propose des services aux restaurateurs de réservation et de couponing ou d'autres encore qui créent des services de gestion de la fidélité. C'est ainsi une multitude de nouveaux entrants qui offrent aux commerçants de petite et moyenne taille l'opportunité d'accéder simplement à une véritable offre d'animation de la relation client.
Un risque exacerbé par la montée de certains acteurs technique
Dans ce contexte, le processing du paiement et l'accès aux comptes restent des briques centrales dans l'offre de services des banquiers, proposée aux commerçants. De nombreux investissements sont d'ailleurs réalisés dans ce domaine par les banquiers pour entretenir et faire évoluer les infrastructures nécessaires à leur bon fonctionnement.
Cependant une autre menace se profile, celle de certains acteurs techniques (type Ingenico ou Atos) qui mettent en place des couches d'échanges de données entre les grands distributeurs et les banquiers. Celles-ci ont vocation à concentrer les flux de paiement et à jouer un rôle de routage pour les orienter vers l'acquéreur le mieux offrant pour leur processing et l'accès aux schemes (CB, Visa, Mastercard). Cette évolution laisse entrevoir à terme un risque de mise en concurrence systématique et quotidienne des services d'acquisitions proposés par les banquiers qui verraient ainsi s'intensifier la lutte sur les marges associées à cette prestation (sans compter l'impact sur la nature de la relation avec le client final).
Il n'en faut pas plus pour voir dans l'évolution de l'industrie bancaire sur ce sujet, une tendance similaire à celle de l'industrie des Télécommunications il y a quelques années, où on a assisté à la séparation des services liés aux infrastructures de ceux liés aux contenus. De nouveaux acteurs ont ainsi proposé leurs offres en s'appuyant sur les investissements réalisés par d'autres. Cette analogie nous amène à la réflexion sur la nature de l'offre de service que les banquiers doivent proposer aux commerçants pour conserver un positionnement à valeur ajoutée dans la relation client.
L'industrie bancaire à un carrefour stratégique
Faire le dos rond et limiter le niveau de désintermédiation de ces acteurs en conservant le positionnement actuel et tenter de maintenir les niveaux de revenus générés par les activités de paiements actuelles semble être une stratégie difficile à tenir. Les banquiers réfléchissent plutôt à faire évoluer la nature de la proposition de valeur pour recréer une offre de services qui maintienne le banquier dans un rôle de partenaire à valeur ajoutée pour mieux accompagner le développement du commerçant, quitte à accepter de diminuer les revenus sur les activités historiques de l'acquisition. Les acteurs se différencieront sur la magnitude de ces évolutions, leurs natures et les tactiques de mise en œuvre. Il est nécessaire d'analyser cette évolution de manière distincte selon la typologie des clients : les petits commerçants et les entreprises de taille moyenne d'une part, et les grands comptes d'autre part.
En ce qui concerne la clientèle de petite et de moyenne taille, leur préoccupation principale concerne le développement commercial : comment m'adapter aux nouveaux usages (internet, mobile, marketplace,…) ? Comment utiliser les outils digitaux ? Par quels leviers mieux animer ma relation client ? Face à ces besoins, le banquier est généralement dépourvu de moyens pour accompagner son client. L'extension de la proposition de valeur vis-à-vis des commerçants pourrait concerner le reporting commercial, la gestion de la relation client, l'utilisation des réseaux sociaux ou encore le positionnement sur les marketplaces … D'autres services, périphériques à l'activité centrale du commerçant, peuvent également être mis en place comme la prise de rendez-vous ou la gestion administrative (paye, comptabilité,…). La principale difficulté pour la Banque réside dans la disponibilité des compétences et la gestion opérationnelle. Des dispositifs de partenariat pourraient alors être imaginés.
Les plus grands clients disposent quant à eux de capacités internes pour pouvoir innover et se transformer. La recherche d'une proposition de valeur est davantage à centrer sur la gestion des processus opérationnels. On pourrait ainsi imaginer une logique d'externalisation de certaines activités auprès des banquiers dans une logique de services packagés clé en main, permettant ainsi d'accroître la focalisation de leurs investissements sur les activités cœur de métier. Par ailleurs, des services à plus fortes valeurs ajoutées peuvent également être imaginés comme l'analyse de la performance cross-canal, l'exploitation des données de paiement, ou l'optimisation de la gestion de la fraude…
En conclusion, les évolutions du marché du paiement et les mouvements réalisés par certains acteurs placent les banques à un carrefour stratégique. La situation laisse encore la capacité à ces dernières de choisir l'orientation à donner à l'ensemble des efforts d'innovations fournis depuis plusieurs années. Cette situation pourrait évoluer. Il n'est pas interdit de penser que les banques voient un jour les choix s'imposer à eux.
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