Elisa Roux

Consultante Sénior
Arrivée chez Stanwell en 2015, Elisa s'est spécialisée dans le monde du Retail en intervenant sur des projets de transformation stratégique et d'innovation.

Co-auteurs : Camille Lozza et Claire Dubost
Pour une présentation détaillée de cet article, contactez-nous : insight@stanwell.fr



Dans le secteur du e-commerce, un domaine en particulier se porte bien : le commerce sur mobile. En France, en 2016, les transactions sur mobiles représentaient 1 achat sur 3 du total des achats e-commerces (ordinateur, tablette et mobile) (1). Le smartphone a pris une place prépondérante chez les consommateurs, et les entreprises doivent donc s'adapter aux comportements spécifiques des mobinautes : recherche d'informations sur les produits et comparaison des offres, renseignement sur les boutiques à proximité, rythme de navigation bref et survol du contenu et toutefois moins d'acte d'achat que sur les autres supports à cause d'une défiance envers les paiements mobiles. Afin de profiter de l'explosion du trafic sur mobile, les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ont placé le m-commerce au cœur d'une stratégie digitale destinée à préempter le monde de la distribution.

Maîtrisant à l'origine un seul aspect du parcours utilisateur des mobinautes – la recherche pour Google, les interactions sociales pour Facebook, les devices pour Apple et les courses en ligne pour Amazon – l'ambition partagée de chacun des GAFA est de se positionner comme l'écosystème privilégié et exclusif du mobinaute, en contrôlant l'ensemble de son parcours client, de la recherche de produits/ services au paiement. Ainsi pourront-ils récolter l'ensemble des données liées aux mobinautes, afin de proposer des produits ou services encore plus personnalisés et fructueux.

Parmi les GAFA, les stratégies de Google et Facebook face aux retailers sont particulièrement ambivalentes, puisqu'ils en sont aujourd'hui partenaires et non concurrents directs. Néanmoins, ne soyons pas dupes, les stratégies que ces deux géants sont en train de déployer ont pour but de préempter le monde de la distribution. Quelles sont ces stratégies et les business modèles associés ?


1er pilier de la stratégie de Google et Facebook vis-à-vis des retailers : passer d'une position de régie à partenaire incontournable

Google et Facebook enrichissent leur offre de services destinée aux retailers, et s'imposent sur l'ensemble de la chaine de valeur.

Google arrose le monde du digital de ses services avec une offre pléthorique couvrant un large panel des usages digitaux : recherche, publicité, hébergement et création de sites, navigateur et système d'exploitation mobile, analyse de trafic, géolocalisation, lunettes connectées… A travers l'ensemble de ses offres, Google récupère une multitude de données, lui permettant non seulement d'anticiper les usages et les grandes tendances mais aussi de prédire le comportement de chaque internaute individuellement et de lui pousser à chaque instant le contenu (publicitaire) le plus adapté à son besoin immédiat. Ainsi, au centre de cette offre de services, le principal revenu de Google est généré par sa régie publicitaire, Google Adword, qui, s'alimentant des données de l'ensemble des applications du groupe, devient un levier incontournable des retailers.

Facebook, le réseau social qui a dépassé la barre des deux milliards d'utilisateurs actifs en juin 2017 (2), positionne sa stratégie mobile au cœur de sa dynamique. Tout comme Google, Facebook tire l'essentiel de ses revenus de son activité de régie publicitaire. Le service Facebook Ads propose en effet la mise en place de campagnes de publicité ciblées. Outre ce service payant, Facebook constitue une plateforme de marketing et de communication aujourd'hui indispensable pour tous les retailers. Rares sont en effet les retailers qui ne possèdent pas leur page Facebook, sur laquelle ils peuvent communiquer avec leurs clients, partager des offres ou encore indiquer l'adresse de leurs magasins.

La stratégie à court terme de Facebook est de continuer à créer de la valeur pour les marketers, notamment sur mobile. Les campagnes de publicité seront encore mieux ciblées et leurs résultats encore plus précisément mesurables. En maintenant une telle relation de dépendance, l'ambition de Facebook est de devenir une plateforme universelle reliant l'ensemble des applications. Ainsi se résume en effet la stratégie long terme de Facebook, qui deviendrait une plateforme à la croisée de plusieurs plateformes. Les consommateurs passeraient par Facebook pour s'informer sur une marque, discuter avec une enseigne, passer commande, etc.

Les services offerts par Google et Facebook aux retailers sont aujourd'hui indispensables au développement de leur business. De par la gratuité et la complétude des services qu'ils proposent, ces deux géants du net se sont très vite imposés comme des alliés et des portes d'entrée incontournables dans le monde du e-commerce.

La montée en puissance de l'offre de services pour les retailers et de l'intérêt que ces derniers y portent est particulièrement visible à travers le dernier partenariat mis en place entre la plateforme de vente en ligne Google Express et le géant de la distribution physique Walmart (3). Ce partenariat permettra non seulement à Walmart de bénéficier du trafic online et du service de livraison de Google, mais lui permettra surtout d'accéder aux innovations technologiques de la firme de Seattle. Walmart bénéficiera notamment des travaux réalisés autour de l'intelligence artificielle et permettra à ses clients de transmettre oralement leur liste de courses en passant par l'assistant vocal et l'enceinte connectée Google Home.


2ème pilier de la stratégie de Google et Facebook : enrichir ses services financiers et imposer sa solution de paiement

Sur internet, Google peut facilement suivre les ventes des entreprises recourant à ses services et le taux de conversions (nombre de ventes et montant) associés et se rémunérer au passage. Quand les services digitaux se croisent avec le commerce physique, via les applications mobiles par exemple, cela devient extrêmement difficile de suivre la transformation en boutique. Ce monitoring va devenir un enjeu majeur de Google pour ces prochaines années à travers notamment le développement des solutions de paiement connectés à la suite Google. Google a notamment passé un accord avec PayPal en avril 2017 (4) pour étoffer son offre Android Pay, en reliant directement leur solution de paiement sans contact avec un compte PayPal. L'objectif de Google est de convaincre les utilisateurs frileux de rentrer leur numéro de carte bancaire dans Android Pay, d'utiliser leur solution de paiement.

Chez Facebook, le déploiement des Messenger Bots était un pilier du projet de développement sur dix ans concernant la réalité virtuelle, la connectivité et l'intelligence artificielle, lancé par Mark Zuckerberg aux Etats-Unis en 2016 (5). Ces « bots » lancés sur Messenger permettent de dialoguer avec une entreprise aussi facilement qu'avec un ami. Les mobinautes peuvent s'informer en chattant avec les médias, passer commande chez un fleuriste ou encore effectuer des réservations. Pas à pas, Facebook intègrerait donc l'ensemble des interactions entre une entreprise et ses clients dans une plateforme unique, et désintermédierait ainsi les applications ou sites natifs des entreprises. Un an après, les résultats escomptés n'étant pas au rendez-vous, Facebook a imaginé M., un assistant virtuel qui s'immiscera dans les conversations des mobinautes et leur fera des suggestions, parmi lesquelles une fonctionnalité de paiement (6).

L'intégration du paiement auprès de commerçants via Facebook (avec les Messenger Bots) n'apparaît que comme un simple rattrapage, lorsque l'on observe l'avancée des réseaux sociaux asiatiques dans ce domaine (WeChat a intégré le paiement dans son application en 2012) (7). Le réseau social chinois constitue déjà un écosystème complet dans lequel les internautes peuvent discuter avec leurs amis, leur envoyer de l'argent, régler l'addition au restaurant, prendre un rendez-vous chez le médecin, etc. L'ambition de WeChat est d'englober l'ensemble des applications d'un internaute, mais surtout l'ensemble des interactions des internautes avec les retailers, y compris le paiement en magasin. Une ambition indissociable du terminal mobile, et que suit également Facebook.


Si les retailers bénéficient des nouveaux services offerts par Google et Facebook, ils ne doivent pas perdre la main sur leur cœur de métier

Beaucoup de sites marchands font reposer une large partie de leur trafic sur le référencement Google. Cette stratégie, payante à court-terme, peut s'avérer dangereuse à long-terme. Le marchand se retrouve alors complètement soumis aux changements de politiques d'utilisation de Google et peut être dépossédé d'une partie de ses services. Une bonne pratique pour les retailers sera alors de construire, au fur et à mesure, des services alternatifs à l'offre Google, en développant par exemple sa propre communauté d'utilisateurs par un programme de CRM indépendant, en renforçant son image de marque et la communication pour que les utilisateurs viennent d'eux même les chercher…

De plus, si Google et Facebook proposent aux retailers une offre de services digitaux faciles et rapides à mettre en place, ceux-ci ne doivent rester que des outils au service d'une stratégie globale et non devenir le seul levier de la stratégie ou la seule source de création de valeur des retailers. Les retailers doivent également anticiper la possibilité que les GAFA mettent en place le paiement mobile via leurs applications et permettent ainsi aux clients de payer directement par Facebook ou Google et ce, même au sein des magasins physiques (prenant une commission sur l'apport de client et la vente).

Leur réseau de magasins physiques reste justement l'atout majeur des retailers, une force que Google et Facebook ne possèdent pas pour l'instant. Amazon a démontré récemment l'enjeu du "brick-and-mortar" en rachetant les supermarchés bio Whole Foods Market en juin 2016. La préoccupation principale des retailers devrait être la mise en place d'une stratégie mobile intégrée à une véritable stratégie omnicanale, avec un écosystème complet digital et physique. Ils devront utiliser les nouveaux services de Google et Facebook pour enrichir leur offre, leur réseau de distribution et leur base de consommateurs, tout en gardant en interne les sujets impactant leur cœur de métier (parcours magasin, paiement, suivi des ventes…).


Sources :

(1) http://www.criteo.com/fr/news/press-releases/2017/...

(2) http://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/06/27/fa...

(3) https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-d...

(4) https://www.lesechos.fr/23/04/2017/lesechos.fr/021...

(5) http://www.e-marketing.fr/Thematique/general-1080/...

(6) https://www.lesechos.fr/20/04/2017/lesechos.fr/021...

(7) https://www.lesechos.fr/20/04/2017/lesechos.fr/021...



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Par CapSens, agence fintech