Contributeurs : Frédéric Boublil, Jean-Philippe Douchet, Jean-Damien Renaux
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Et si la transformation des compagnies d’assurance passait par leur réseau d’agences… Regards croisés entre les secteurs de l’Assurance et de la Distribution (Retail)
Depuis des années, les petites et grandes enseignes de la distribution sont confrontées au challenge de la réinvention de l’expérience client au sein des points de vente : disruption, innovation, évolution de la proposition de valeur, … autant de changements et d’expériences qui peuvent utilement nourrir la réflexion engagée par les compagnies d’assurance.
Le maillage, qui, par le passé, était la manifestation de la puissance des grandes compagnies d’assurances serait-il aujourd’hui un fardeau qui bride leur compétitivité, et même leur réinvention ?
L’ampleur des game changer du marché - la technologie en particulier - se traduit d’abord sur le réseau : les parcours d’achat sont omnicanaux et les attentes consommateur sont de plus en plus fréquemment satisfaites par des canaux digitaux.
Ensuite, la technologie a permis l’émergence d’acteurs focalisés sur les maillons discriminants de la chaine de valeur et non dépendants d’investissements lourds sur le cœur de métier historique de l’assurance.
Dans un tel contexte, faut-il continuer à porter les agences à bout de bras, au risque de ne pouvoir investir sur les leviers porteurs, ou au contraire faut-il les réinventer, pour en faire les bras armés d’une transformation ? Parce que les enseignes de distribution ont vécu des disruptions, elles ont été poussées à se réinventer. Certaines de leurs initiatives pourraient inspirer les réseaux d’agences d’assurance.
5 voies pour réinventer l’agence
Réinvention #1 : placer l’agence au cœur de la relation omnicanale
Les silos organisationnels (agence, téléphone, site web) ne sont plus acceptés par le consommateur : pour l’assurance comme pour tout type de transaction, il attend d’être accompagné dans son parcours d’achat afin de gagner du temps et du confort. Dans ce contexte, rien de plus irritant qu’un conseiller qui n’a pas accès à l’historique digital du client.
Ainsi, les vendeurs de Darty en magasin ont accès au panier qu’un client a préparé depuis son smartphone. Ils peuvent ainsi finaliser la transaction, ou enrichir le panier. Plus globalement, un nombre croissant d’enseignes règle le problème lié à l’affectation des commissions des vendeurs en affectant au point de vente de la zone le CA de l’ensemble des transactions, qu’elles soient omnicanales ou même 100% web.
Réinvention #2 : repenser le rôle des agences
Les agences connaissent des baisses structurelles de trafic, … et cela n’est pas fini. Se poser une bonne fois pour toute la question du rôle de l’agence dans la relation clients (poser notamment l’équation entre fidélisation et acquisition) et dans la structure de profit permettrait de focaliser les équipes sur des leviers tangibles, et de mettre en place le fonctionnement approprié (organisation, processus, moyens).
Ainsi, certaines marques de retail (souvent natives du web) ont repensé le rôle du magasin : made.com, marque d’ameublement design 100% web ouvre des showrooms, dont la vocation est d’être des vitrines de l’offre et du savoir-faire ; Sézane, marque de mode digitale, a ouvert un « appartement » qui présente les collections et qui sert aussi de lieu de vente. C’est probablement, sur le segment « premium », un des lieux de vente les plus fréquentés de Paris.
Réinvention #3 : l’agence – carrefour de services
De même qu’internet est aujourd’hui le canal le plus efficace pour l’exploration et la découverte, l’agence pourrait, par une offre élargie sur des besoins adjacents et renouvelés, susciter de l’intérêt et retrouver de la croissance de trafic : par exemple, il serait pertinent d’étudier des lieux de services traitant de bancassurance, de santé, de dépendance, et même d’immobilier. Un tel regroupement apporterait une mutualisation de certains coûts et une proposition consommateur plus attractive.
Cela suppose de nouer des partenariats avec des entreprises aux métiers complémentaires, et à la recherche de points de contact réels :
En retail, l’enseigne Franprix a ainsi ouvert des espaces la Poste dans certains magasins. Total a des corners Decathlon et Darty dans certaines de ses stations-service.
Enfin, de nombreux magasins de proximité font office de point relais, davantage pour le trafic en magasin que cela génère que pour les commissions perçues.
Réinvention #4 : l’agence – laboratoire du métier de demain des compagnies d’assurance
Le métier évoluant vers de la prévention, pourquoi ne pas commencer à s’appuyer sur certaines agences pour explorer la piste et affiner la proposition de valeur ?
Décathlon ayant constaté que le marché de l’occasion explosait au détriment du neuf, il a consacré sur certains magasins un espace « Trocathlon » consacré à la vente d’occasion. Le magasin devient une plateforme C2C, … qui lui profite économiquement puisque les transactions se font uniquement en bons d’achat Décathlon.
Réinvention #5 : repenser l’empreinte des agences sur les territoires – maillage / formats
Repenser le maillage et se positionner dans les lieux de flux est d’autant plus important que la priorité du client est d’être servi en moins de 10 minutes… pas à moins de 10 kms. Quand les distances sont trop longues, le digital prend le relais. Les écarts entre les bons et les mauvais emplacements s’amplifient : être présent dans les zones à fort trafic, comme les gares, ou les centres de vie devient donc critique ; inversement, le maillage dans les « petites préfectures » pose question.
Pour plusieurs enseignes de mode, leur magasin de la gare Saint Lazare est le plus gros vendeur du réseau physique, devant ceux des grandes artères parisiennes. Par ailleurs, de nombreuses enseignes ont mis en place un système de pilotage de l’évolution du trafic et du résultat pour anticiper la relocalisation (ou la fermeture) de sites économiquement fragilisés.
Par ailleurs, la diversité des emplacements nécessite des formats bien spécifiques et pas seulement homothétiques par rapport au concept standard : un « petit » emplacement peut nécessiter une offre adaptée : plus large sur certains services, non couverte sur d’autres, l’extension digitale assurant la couverture du besoin.
A titre de comparaison, les enseignes alimentaires ont repensé totalement leurs formats de proximité : certains besoins couverts par un Franprix de centre-ville (par exemple, les fruits pressés, le vrac Bio, les saladeries) ne se retrouvent pas dans la plupart des grandes unités de périphérie.
Une telle transformation, par sa radicalité et son ampleur, peut tétaniser : 5 leviers pour concrétiser
Levier #1 : mettre à niveau les outils et les systèmes
Le 1er enjeu est de faire de l’omnicanal une réalité en connectant les systèmes et en permettant des parcours fluides ; le client doit pouvoir interagir avec la compagnie par le canal de son choix et obtenir une continuité de service entre ce qui se passe à l’extérieur du point de vente et ce qui se passe à l’intérieur du point de vente et en interaction avec le conseiller.
Le second enjeu est de considérer que l’expérience conseiller est aussi importante que celle du client – on observe trop souvent un décalage important entre la convivialité des outils mis à la disposition des clients et l’austérité de ceux maniés par les conseillers. Cela ne favorise pas la continuité du service et nuit à l’image de la compagnie d’assurance.
Levier #2 : faire des données un atout commercial
Le défi autour de la donnée est le même pour tous les acteurs : la capter, la vérifier, l’exploiter, l’enrichir et la faire vivre ; au service des points de vente, la donnée permet de personnaliser les propositions et de passer d’un mode réactif (je réponds aux demandes de mon client) à un mode proactif (j’ai un rôle de conseil et je propose des offres en résonnance avec les attentes de mon client et en cohérence avec mon actualité commerciale).
Netflix illustre parfaitement cela : grâce à l’historique d’achat et de navigation, Netflix fait des recommandations de programmes personnalisés aux clients, en collant ainsi au mieux à ses goûts et ses attentes.
Levier #3 : changer en profondeur les compétences et la posture des vendeurs
Les conseillers sont la partie visible de l’identité d’une marque ; à ce titre, leur posture (compétence, bienveillance, écoute, fiabilité, …) est un marqueur de l’ADN d’une compagnie. Former des conseillers acteurs de la relation avec les clients est une des transformations importantes à mener.
L’exemple des vendeurs Apple, assis aux côtés du client (et pas en face) et en posture de coach qui aide en non pas de sachant est inspirant.
Levier #4 : adapter le pilotage de l’activité du réseau
En lien avec l’équilibre à trouver dans le rôle de l’agence entre levier de fidélisation et moteur d’acquisition, le pilotage de l’activité du réseau doit évoluer pour se centrer sur les indicateurs sur lesquels le conseiller a des leviers tangibles : par exemple, mieux prendre en compte des critères de temps passé, de satisfaction client, de ventes croisées vers d’autres services hors assurance, …
Levier #5 : investir centralement
Compte tenu des enjeux d’omnicanalité, d’amélioration de la relation clients, et d’évolution du métier de l’assurance, la transformation des agences dépasse le cadre seul du réseau. Elle nécessite donc un investissement Groupe qui ne peut être porté exclusivement au niveau des agences, au risque de déséquilibrer des P&L locaux et de freiner les investissements à réaliser.
De la théorie à l’action : 5 facteurs clés de succès issus de transformations réussies
Conclusion
Le réseau sera différent dans le futur : les réseaux d’agences doivent être réinventés, ils doivent être constitués d’agences augmentées (plus de services, plus d’efficacité, plus d’émotion) et en même temps, être redimensionnés, et placés dans un parcours de course omnicanal.
Et si cela était l’occasion de replacer l’agence au cœur du réacteur commercial des compagnies ?
A propos de Stanwell Consulting
Vincent Debray, Associé – v.debray@stanwell.fr |
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Frédéric Boublil, Associé – f.boublil@stanwell.fr |
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…au sein d’un cabinet (12 associés, 115 consultants, +30m€ de CA) accompagnant les principaux acteurs des services financiers et du retail au travers d’une large gamme de savoir-faire.