Par nature, la Blockchain impacte quatre dimensions majeures de l'assurance :
Identité
La Blockchain permet l'enregistrement et le stockage des données personnelles et/ou juridiques de manière sécurisée, partagée et globalement disponible pour des tiers.
Cela pourrait grandement simplifier le processus de « connaissance client » (KYC / Lutte Anti-blanchiment, Devoir de conseil, etc.) en réduisant les coûts et les délais de réalisation de ces actes administratifs. L'amélioration de la sécurité autour de la gestion de l'identité pourrait également réduire le risque de fraude.
Espace
La Blockchain rend plus robustes et plus agiles les interactions entre des partie-prenantes d'un même processus métier.
Dans le domaine de l'assurance / réassurance, cela pourrait permettre d'élargir le réseau d'acteurs professionnels impliqués dans une transaction, ce qui permettrait un ajustement plus rapide du marché.
Combinée avec d'autres technologies digitales émergeantes, la Blockchain pourrait également permettre de créer des produits d'assurance « à la demande » (ex : assurance d'un transport de conteneur sur une seule étape de son transport).
Temps
En fournissant un enregistrement permanent et immuable des transactions, la Blockchain ouvre un large champ d'opportunité pour l'assurance.
Par exemple un assuré professionnel pourrait maintenir une Blockchain qui enregistre tous les flux de marchandises relatifs à son entrepôt. Cette Blockchain lui permettrait de prouver de manière transparente et infalsifiable le montant assurable dans son entrepôt à un instant donné, permettant ainsi un nouveau type d'assurance couvrant le risque « réel » plutôt que le risque « maximal ».
Par ailleurs, en fournissant une « super piste d'audit », la Blockchain pourrait significativement améliorer la sécurité juridique en évitant des « querelles » entre deux contreparties en désaccord sur l'enchaînement d'évènements spécifiques.
Mutualisation
C'est la dimension sur laquelle la puissance disruptive de la Blockchain peut se manifester de différentes manières. L'utilisation de la technologie permet à différentes entités d'interagir sans tiers de confiance / intermédiaire, ce qui limite intrinsèquement l'existence de « monopoles naturels » qui peuvent exister le long de la chaîne de valeur assurantielle.
Une grande partie des coûts opérationnels de l'assurance résident dans le simple fait de garder une trace de la documentation subordonnée à un contrat et de s'assurer que les enregistrements sont concordant entre ceux du client, du courtier, du souscripteur, du gestionnaire de sinistre et éventuellement du réassureur.
De manière native, la Blockchain fournit une « version unique de la vérité », horodatée, inviolable, et accessible à tous, ce qui permet de réduire les erreurs, les délais de traitement, les coûts opérationnels et l'incertitude juridique.
Modèle #1 - Inter-organisations - Accélération d'initiatives de marché visant un échange sécurisé et en temps réel d'information
Dans ce premier modèle, un acteur du marché (startup ou grand compte) anime plusieurs partie-prenantes pour créer un « registre mutualisé et distribué » ("Mutual Distributed Ledger") visant à améliorer l'accès et le partage de données tout en réduisant les coûts administratifs liés aux traitements non automatisés.
L'application de la Blockchain dans ce modèle peut permettre d'améliorer significativement la gestion des enregistrements, la transparence, la qualité et la vitesse d'échange d'information entre acteurs du marché de l'assurance.
A titre illustratif, le consortium international B3i « Blockchain Insurance Industry Initiative » (avec Aegon, Allianz Group, Munich Re et Swiss Re) ou encore l'initiative française de la Commission Numérique de la FFA / Fédération Française de l'Assurance travaillent actuellement sur des cas d'usage engageant différents acteurs de l'écosystème assurantiel.
Modèle #2 - Intra-organisation - Amélioration des processus "cœur" métier d'un assureur en particulier
Dans ce second modèle, un assureur en particulier améliore tout ou partie de ces processus métiers sur les dimensions suivantes :
Modèle #3 - Disruption - Système d'assurance affinitaire quasi-autonome et autorégulé
Dans ce dernier modèle, un nouvel acteur Insurtech utilise les caractéristiques intrinsèques de la Blockchain pour créer un système d'assurance « Peer-to-Peer » permettant de financer / indemniser des groupes d'assurés et de redistribuer l'éventuel « surplus » de primes collectées en fin d'année.
Dans ce modèle, le rôle de l'assureur (ou du réassureur) porterait principalement sur la gestion des risques « aggravés » et des sinistres « complexes ».
A titre d'exemple, la startup Insurtech Safeshare fournit à l'acteur Vrumi de l'économie collaborative une assurance dommage temporaire destinée à la location courte durée (pouvant être assimilée à une assurance temporaire Airbnb). Pour fournir cette prestation d'assurance, Safeshare s'appuie sur les Lloyd's de Londres pour la réassurance.
En France, la startup Wekeep travaille actuellement à la création d'une plateforme d'assurance P2P dédiée à des groupes affinitaires.
La mise en œuvre de la technologie Blockchain peut permettre aux assureurs d'optimiser leur ROE selon deux axes principaux : réduction des charges opérationnelles et innovation de l'offre.
Réduction des charges opérationnelles (charges de sinistres et charges d'exploitation)
La Blockchain peut permettre de réduire de manière significative les coûts opérationnels en travaillant sur les 3 dimensions suivantes :
Innovation de l'offre et nouvelles modalités de relation client
Par ailleurs, la Blockchain peut permettre aux Assureurs d'innover en termes d'offre et de relation client en développant de nouveaux produits assurantiels plus « flexibles » :
Après avoir démontrer tout son potentiel pour le secteur de l'assurance, la Blockchain et les Assureurs souhaitant l'utiliser, doivent dorénavant relever 5 principaux défis pour une industrialisation à grande échelle :
Valeur d'usage – Une expérience client qui reste encore complexe dans certains cas
Au-delà d'une meilleure efficacité opérationnelle (c.à.d. rapport bénéfices opérationnels/investissement), la fluidité de prise en main d'un nouveau service est primordiale pour permettre l'adoption d'un nouveau service par les utilisateurs finaux.
A l'heure actuelle, les services Blockchain restent encore parfois handicapés par une expérience client complexe qui peut limiter la valeur finale perçue par l'utilisateur (ex : installation de logiciels dédiés, mise en place d'un compte client, etc.).
A titre illustratif, afin de créer des une expérience client fluide et sans couture, les startups Blockchain passe une majorité de leur effort de développement à créer des interfaces Web / Mobile (~70% de l'effort de développement).
Sécurité des données - Confidentialité des données métiers « sensibles » et protection des données personnelles
La Blockchain permet de manière native l'inviolabilité des informations. Les principes d'architecture distribuée et de remontée de la chaîne de blocs pour vérifier une transaction rendent toute tentative de modification presque impossible. L'utilisation de procédures cryptographiques les plus abouties du moment renforce par ailleurs le niveau de sécurisation des données métiers.
Néanmoins, des points d'attention persistent sur l'utilisation d'une Blockchain pour gérer des processus métiers utilisant des données ou documents à caractère « sensible » (Ex : Données personnelles soumises aux réglementations CNIL / GDPR en vigueur, Informations contractuelles, Primes, Montant du remboursement, pièces justificatives, etc.).
Ce point d'attention peut être anticipé et géré de manière intelligente et flexible en fonction de l'architecture cible retenue.
Intégration – Coexistence avec l'existant
Malgré la capacité des technologies Blockchain à proposer des APIs, des questions persistent sur le niveau de complexité d'intégration de ces Services Web avec les SI existants et la capacité à gérer dans certains cas un « double run ».
Scalabilité - Capacité à monter en charge
Un nombre limité de transactions par seconde (7 transactions pour Bitcoin, 30 à 50 transactions pour Ethereum en 2016 VS 2.000 en moyenne actuellement pour Visa) qui pourrait potentiellement limiter l'adoption de la technologie sur certains cas d'usage à très forte volumétrie de transactions.
La plupart des plateformes Blockchain (ex : Bitcoin, Ethereum avec sa nouvelle version Metropolis) ainsi que des grands fournisseurs technologiques (ex : Microsoft avec Azur, IBM avec Bluemix) travaillent activement à l'industrialisation à grande échelle de Frameworks technologiques « robustes » et « pérennes » permettant d'augmenter le nombre moyen de transactions par seconde.
Dans le cas de l'utilisation de « Blockchain Publique », une dépendance aux crypto-monnaies (ex : Bitcoin, Ether) existe, générant un potentiel point de vigilance au regard de la fort volatilité de ces nouvelles monnaies.
La plupart des « PoC » actuellement menés utilisent des Blockchains dîtes « Privées » (ou « Permissioned ») qui réutilisent les bénéfices intrinsèques des plateformes Bitcoin ou Ethereum tout en s'affranchissant du taux de change avec les monnaies « réelles ».
Réglementation - Une réglementation qui reste à clarifier
Partout dans le monde, la croissance de l'écosystème Blockchain est bien plus rapide que la réaction des régulateurs locaux. Ce « décalage » représente actuellement un frein pour atteindre le plein potentiel de la technologie Blockchain.
En France, malgré une avancée significative suite à l'ordonnance du 28 avril 2016 sur les bons de caisse / mini bons publiée par le Gouvernement et à l'annonce par Madame le Ministre Axelle Lemaire sur la publication d'un futur décret courant 2017, des pans entiers règlementaires restent à clarifier.
Tous les acteurs de l'écosystème (notamment start-ups, grands comptes, conseil) doivent favoriser les échanges avec le régulateur afin de pouvoir donner une valeur juridique aux innovations introduites par la Blockchain.
Au regard du gigantesque potentiel offert par la Blockchain et des points d'attention préalablement évoqués, il semble nécessaire d'adopter une posture « test & learn » pour appréhender de manière concrète les impacts sur un cas métier spécifique.
Les compagnies d'assurance qui sauront mettre en œuvre cette posture en ce faisant accompagner par des startups / partenaires spécialisés bénéficieront d'un véritable « regard critique » sur cette innovation technologique et pourront ainsi saisir de réelles opportunités de développement pour les années à venir.
A propos de Stanwell Insight
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