Si l'offre d'objets connectés dits de « santé » foisonne, il faut tout d'abord faire une distinction entre deux catégories d'objets connectés
Les objets connectés de santé « pure » : ces dispositifs (objets et capteurs) sont agréés, ils ont été imaginés et produits par des professionnels de la santé et les mesures effectuées sont fiables. On peut citer l'exemple des lentilles connectées qui mesurent le glucose dans les larmes d'un patient et analysent l'évolution de sa glycémie afin de l'alerter en cas d'anomalie.
Les objets connectés de « bien-être » : ces dispositifs ne sont pas agréés et les mesures effectuées ne sont soumises à aucun contrôle fiable attestant de leur véracité. C'est le cas notamment des montres connectées mesurant le sommeil, dont beaucoup partent du principe que vous dormez dès que vous êtes en position allongée.
Un marché en plein développement et encore à l'aube de beaucoup de possibilités
Comme l'explique Le Livre Blanc du conseil de l'ordre des Médecins1, le marché actuel de la santé connectée est le fruit d'une longue évolution. Il y a d'abord eu la « E-santé », permise par le développement de la robotique, des systèmes d'information en santé, des dossiers médicaux informatisés et des systèmes d'information de vigilance et d'orientation. La « télésanté » a suivi avec les services de santé en ligne, les réseaux sociaux, les formations en format « serious games ». Enfin, la démocratisation des smartphones a mené à la « M-santé » et au suivi des mesures captées par les objets connectés, les capteurs et les textiles intelligents. Cela va de pair avec la « télémédecine » qui comprend la télésurveillance, permise par la domotique et les technologies de maintien à domicile grâce à la maison connectée.
Les objets connectés de la santé répondent à des problèmes structurels croissants dans notre société
L'accès aux soins et à la médecine à distance permet de lutter contre la désertification médicale et le vieillissement des personnels de soin (« l'ordre des médecins a répertorié 34 départements menacés de désertification en raison d'une faible densité de généralistes et d'un grand nombre de départs à la retraite d'ici 2017 »2). Le maintien à domicile des personnes âgées ou diminuées est facilité grâce à la domotique et aux objets connectés, ce qui diminue l'impact négatif du vieillissement de la population (en 2050, 69% de la population française aura 60 ans ou plus3) ou de l'augmentation des maladies chroniques. Enfin, des objets de la vie quotidienne comme la fourchette ou la balance connectées pourraient, à terme, limiter l'augmentation de l'obésité.
Le modèle traditionnel de santé change : on passe d'un modèle curatif (où l'on va chez le médecin quand on est malade pour se faire prescrire des médicaments) à un modèle préventif (suivi permanent de la santé grâce aux objets connectés) qui permettra de traiter les problèmes plus simplement en amont. Cela pourra permettre de réduire les dépenses en santé de l'état français qui représentaient près de 12% du PIB français en 20134. Le traitement des données de santé par des start-ups spécialisées dans leur collecte, leur agrégation et leur sauvegarde, ainsi que leur capacité à personnaliser l'expérience utilisateur sera clé : l'utilisation du big data (en back office) et de l'expérience utilisateur (en front office) sont deux leviers pour y parvenir. C'est le cas par exemple de Umanlife, start-up du réseau Blue Circle, qui utilise les objets connectés pour permettre à chacun de mieux comprendre et gérer son bien-être en donnant de la valeur aux données collectées.
La population française est de plus en plus à l'écoute du marché des objets connectés de la santé. Le sondage IFoP publié en juillet 20155 montre que 96% des Français ont déjà entendu parler des objets connectés et 66% déclarent savoir exactement ce que c'est. En revanche, l'équipement est encore faible : 5% des Français possèdent un objet connecté santé – bien-être.
Les opportunités sont donc fortes pour les distributeurs d'objets connectés, et la santé jouera un rôle clé dans le développement de ce marché.
Principaux avantages des objets connectés
Enquête 2016 «Les Français et la consommation des objets connectés» (Toluna/LSA)
Le marché de la santé est bouleversé par les objets connectés de santé. Quels sont les nouveaux rapports de forces entre les acteurs du marché ?
Tout d'abord, notons l'émergence des start-ups qui créent les objets connectés et les capteurs associés et challengent les distributeurs "classiques" du secteur de la santé. Ces structures de petite taille sont assez souples pour respecter un cycle d'innovation et d'adaptation très court, leur permettant de créer et commercialiser des objets connectés avant les grandes entreprises qui doivent, elles, respecter des processus longs et lourds et subissent différentes pressions comme celles de leur actionnariat, leurs clients ou de leur image de marque. Les start-ups sont également très familières des réseaux sociaux, ce qui leur permet d'être proches des consommateurs et d'anticiper leurs besoins.
De la même façon, les pure-players et les gAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) qui imaginent, produisent et commercialisent les applications permettant d'utiliser les objets connectés et qui récupèrent toutes les informations collectées par les objets connectés, souhaitent devenir les futurs maîtres de la santé connectée. Samsung, Apple et Google ont déjà lancé leurs plateformes de E-santé, respectivement SAMI, HealthKit et Google Fit. Leur capacité à collecter, stocker et analyser les données challengent les acteurs traditionnels de la santé comme les assurances qui ont moins anticipé ces grands changements.
Ils arrivent également à faire ce que les pouvoirs publics essaient de faire sans succès depuis une dizaine d'années, notamment avec la digitalisation des carnets de santé. enfin, ces acteurs investissent depuis longtemps dans l'intelligence artificielle (machine learning et deep learning) qui promet de prendre une grande place dans le futur modèle de santé.
Pour finir, les objets connectés de santé changent le rapport entre les patients et leurs médecins. Alors qu'autrefois les médecins étaient les seuls à pouvoir prendre des mesures de leurs patients et à les analyser, ces derniers peuvent désormais mesurer et collecter des données via leurs objets connectés et permettent ainsi à leur médecin d'avoir accès à un historique plus complet. Ils peuvent également suivre l'évolution de leur santé depuis chez eux et éviter de surpeupler les salles d'attentes. Les médecins et les pharmacies bénéficient aussi de la connectivité et des réseaux sociaux pour échanger, notamment sur des plateformes comme Meltingdoc.com ou Pharmanity.com, deux start-ups du réseau Blue Circle.
Principales raisons citées comme freins à l'achat d'objets connectés
Enquête 2016 «Les Français et la consommation des objets connectés» (Toluna/LSA)
La collecte, l'utilisation et la propriété des données collectées par les objets connectés de la santé est un enjeu majeur à adresser
Lors de son inscription sur l'application servant à utiliser un objet connecté, l'utilisateur signe toujours des conditions générales lui signifiant les données qu'il accepte de communiquer via l'utilisation de cet objet, mais les lit rarement. Peu de personnes savent donc exactement quelles données sont collectées par l'objet connecté qu'elles utilisent. Ainsi, un bracelet connecté qui mesure « officiellement » votre activité physique (nombre de pas, dénivelé du sol ou rythme cardiaque) peut également sauvegarder et communiquer des informations renseignées lors de l'inscription (nom, âge, sexe ou adresse).
La centralisation des données et leur stockage est un enjeu supplémentaire. Quelle sécurité existe-t-il pour protéger vos données de santé, collectées par les objets connectés de santé et de bien-être ?
Il existe deux types de données et deux niveaux de contrôle :
• Objets connectés de santé : ces données de santé sont collectées par des appareils certifiés et agréés. L'usage des données de santé est restreint aux professionnels de la santé (médecins, laboratoires, hébergeurs de données). La collecte, la propriété et l'usage des données sont très strictement encadrés, soumis au secret médical et respectent la déontologie imposée aux travailleurs de ce secteur. Enfin, la loi française protège le consommateur final en imposant une réglementation spécifique pour le stockage des données de santé (data center de type médicalisé).
• Objets connectés de bien-être : ces données du «moi quantifié» sont collectées par des appareils non certifiés, n'entrant pas dans le cadre médical. Il s'agit par exemple des montres et des bracelets connectés, dont les français sont de plus en plus friands. La CNIL a d'ailleurs lancé un vaste chantier en 201314 pour encadrer la collecte et l'utilisation de ces mesures et définir des bonnes pratiques à destination des consommateurs et du corps médical.
Comment évaluer l'intérêt et l'efficacité des objets connectés de la santé et du bien-être ?
La perception par le public de la limite entre une aide réelle et valorisée d'un objet connecté et le simple gadget dépend de critères objectifs comme les fonctionnalités qu'offre l'objet connecté, les usages qu'il est possible d'en faire, l'utilisation des données collectées, mais aussi de critères subjectifs, tels que la confiance, un a priori ou le bouche à oreille.
Peu d'objets connectés sont agréés comme dispositifs médicaux, et pour les autres, il est difficile d'évaluer leur qualité scientifique. Afin d'aider les consommateurs à distinguer un simple gadget d'un objet qui suivra précisément l'évolution de leur santé, il faudrait mettre en place une évaluation neutre et gratuite des objets connectés et des services disponibles sur le marché. On pourrait imaginer une certification pour les objets connectés du « moi quantifié » permettant d'évaluer la qualité des mesures prises comme le rythme cardiaque, la transpiration ou le sommeil.
Ces enjeux de fiabilité des données collectées et de sécurité de l'objet lui-même concernent également d'autres secteurs comme la sécurité connectée (alarme connectée) ou la maison connectée (détecteur de fumée connecté).
Compte tenu de l'impact que peuvent avoir des objets connectés sur la santé des individus, il faudrait également encadrer leur vente : qui peut les commercialiser et / ou les conseiller, à qui peut-on les vendre, dans quelles conditions ?
L'ergonomie et le design des objets connectés de la santé et des applications associées doivent s'adapter à la cible visée
Compte tenu des utilisateurs ciblés (personnes âgées ou diminuées physiquement), l'adoption des solutions et applications ne doit pas être stigmatisante pour l'utilisateur. La qualité et l'intuitivité de l'interface utilisateur est primordiale, non seulement pour développer les usages chez ces personnes et ainsi permettre les performances et l'efficacité des solutions, mais aussi pour « favoriser les externalités positives ». Une interface facile à utiliser par un patient ou par une personne âgée, sera également agréablement évaluée par leur entourage15.
Afin d'aider les clients ou les patients à appréhender ces nouveaux outils et à les intégrer au quotidien, il faut développer une littératie numérique (des documents ludiques sous forme de PDF, une communication dédiée sur les réseaux sociaux ou des vidéos « tutoriels ») expliquant l'intérêt de l'objet, son fonctionnement et ses usages. L'acte d'achat est une première étape mais encourager la bonne utilisation de l'objet connecté au quotidien est un challenge dans le secteur de la santé, où la non utilisation d'un objet met en danger la santé du patient.
Le prix de vente des objets connectés est le dernier enjeu qui freine leur adoption
Les objets connectés, bardés de nouvelles technologies et des capteurs les plus sensibles, sont souvent chers malgré une tendance à la baisse des prix moyens du secteur. La démocratisation des objets connectés ne sera possible que si leur coût n'est pas prohibitif et reste compétitif face aux solutions de santé classique (visite chez un médecin, examens médicaux, utilisation d'équipements de santé non connectés…).
1. De la E-santé à la santé connectée : Le livre blanc du conseil national de l'ordre des médecins. Janvier 2015
2. http://info.arte.tv/fr/la-sante-en-chiffres
3. http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1089
4 http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.XPD.TOTL.ZS
5. http://www.ifop.com/media/poll/3148-1-study_file.pdf
6. https://www.cnil.fr/fr/quantified-self-m-sante-le-corps-est-il-un-nouvel...
7. Cap Digital, cahier tendances 2014
8. http://www.objetconnecte.net/apple-watch-pourrait-sauver-vie-1103/
9. http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/04/18/google-et-les-transhum...
A propos de Stanwell Insight
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