Co-auteur : Alain Le Pomellec
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On constate actuellement en France un paradoxe entre les résultats du système des retraites et la perception que les français en ont. En effet, alors que notre système n’a jamais été aussi proche de l’équilibre, les nouvelles générations n’ont pas confiance en sa pérennité, et l’idée d’un appauvrissement des retraités prévaut dans l’opinion publique.
Près de trois-quarts des français estiment que pour préserver le système de retraite par répartition tel qu’il existe, « des réformes supplémentaires sont nécessaires », et 85% estiment « qu’il ne devrait y avoir qu’un seul régime de retraite ».[1]
En réponse à ces préoccupations, l’Etat Français travaille depuis 2017 sur une réforme visant à mettre à plat le fonctionnement des pensions et repenser le modèle français pour en garantir la pérennité.
Pour la nouvelle équipe gouvernementale, l'objectif est à la fois de maîtriser les dépenses pour assurer le financement sur le long terme, mais également de simplifier le fonctionnement d'un système jugé trop complexe.
Si le détail de la réforme n’a pas encore filtré, les principales pistes de réflexion envisagées par le nouveau gouvernement sont déjà connues. Pour vous aider à y voir plus clair, Stanwell revient sur les grands enjeux de la réforme des retraites et sur les principales questions qui se posent aux acteurs de ce changement.
1) Un système complexe, difficile à lire pour les assurés et financièrement instable
Créé en 1945, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le système de retraite est l'un des fleurons du modèle social français. Pourtant, 70 ans après sa création, il est souvent critiqué pour sa complexité.
A) Le système français se compose de 3 niveaux de pension qui se superposent
Le premier niveau est constitué des régimes de base. Comme son nom l'indique, il est au centre de ce modèle et repose sur les principes d'égalité et de solidarité pour permettre à tous les français, même les non-actifs, de bénéficier d'une pension minimum.
Ce système fonctionne par répartition, c'est-à-dire que les contributions de ceux qui travaillent financent directement les pensions de ceux qui ne travaillent plus. Les cotisations y sont comptées sous la forme de trimestre et le montant de la pension est déterminé sur la base des 25 meilleures années, contre les six derniers mois pour les fonctionnaires du secteur public. Ce régime est géré par des organismes publics qui différent selon le secteur d'activité comme la CNAV pour les salariés du privé, la MSA pour les professionnels de l'agriculture ou le RSI pour les entrepreneurs par exemple.
En complément de cette retraite de base de la Sécurité sociale, tous les salariés cotisent obligatoirement, depuis 1972, à des caisses de retraite complémentaire comme l'Agirc et l'Arrco pour les salariés du privé. Les complémentaires obligatoires représentent le second niveau de fonctionnement et sont basées sur le principe de l'équité contributive, c'est à dire que les retraités reçoivent une pension proportionnelle au montant des cotisations qu'ils ont versées durant leur carrière.
Contrairement à la retraite de base, le régime complémentaire fonctionne selon un système de points cumulés tout au long de la carrière. Au moment de la retraite, ces points donnent droit à un montant complémentaire qui s'ajoute à la pension du régime de base. Néanmoins, les régimes complémentaires fonctionnent également sur le principe de la solidarité et de la répartition, comme les régimes de base, car les cotisations financées par les actifs sont reversées aux allocataires.
Enfin, à un troisième niveau, on retrouve les retraites par capitalisation ou dispositifs supplémentaires, non obligatoires, qui se souscrivent :
L'ensemble se traduit par la coexistence de 36 régimes de retraite de base et complémentaires différents. Salarié du privé, militaire, employé agricole, cadre de la fonction publique... la pension de chacun de ces professionnels répond à des règles propres.
Cette diversité est source de confusion et d'inégalités. C'est pour remédier à cela, mais également pour limiter le déséquilibre financier du système de retraite accéléré par les évolutions démographiques et une croissance limitée que, depuis les années 90, les gouvernements tentent de réformer ce système.
Synthèse du système de retraite français, composé de trois niveaux :
B) Des réformes incomplètes depuis les années 90
A partir de 1991 et la remise du livre blanc commandé par Michel Rocard, la nécessité de transformer le système des retraites est devenue une priorité pour les différents gouvernements. C'est essentiellement sur la durée de cotisation que les textes se sont concentrés.
Si ces réformes conjoncturelles ont permis d'améliorer l'équilibre entre actifs et retraités, elles n'ont pour autant jamais cherché à repenser la structure même de ce système. A l'été 2017, quelques mois après son élection, Emmanuel Macron s'est prononcé pour une évolution plus profonde du système des retraites et a annoncé une réforme structurelle pour la deuxième année de son mandat.
2) La nécessité d'une réforme structurelle du système des retraites
Pour le nouveau président, deux nécessités s'imposent : simplifier le système et en assurer la pérennité.
Si le gouvernement a fait savoir qu'il n'y aurait pas d'évolution ni de l'âge légal de départ ni du nombre d'annuités requis pour partir à la retraite et qu'il y aurait une revalorisation du minimum vieillesse, il a également annoncé sa volonté de travailler à la mise en place d'un système unique de retraite permettant d'uniformiser le mode de calcul des pensions.
A) Le régime en comptes notionnels
L'une des pistes envisagées est l'instauration d'un calcul basé sur les comptes notionnels. Appliqué en Suède et en Italie, ce mode de calcul est encore inconnu en France. Son fonctionnement, différent de la retraite de base (calculée sur les annuités) et conceptuellement proche des retraites complémentaires (calculée par point), s'appuie sur l'instauration d'un capital virtuel individuel, accumulé à partir de l'ensemble des cotisations perçues tout au long de la carrière.
A l'âge de la retraite, ce capital est converti en montant de pension de retraite par un coefficient qui dépend à la fois de l'espérance de vie, de la performance économique du pays mais également de l'âge de départ choisi. Le fonctionnement des comptes notionnels se distingue des régimes complémentaires en suivant une logique plus complexe et plus étroitement corrélée au contexte macro-économique, d'où sa meilleure contribution à l'équilibre financier des régimes.
Ce système présente deux avantages majeurs :
Ces avantages doivent être mis en perspective pour le cas de la France, du fait de sa situation démographique et financière. Un régime en comptes notionnels français risque de présenter des déséquilibres pendant une période relativement longue :
B) Un système unique ou deux systèmes parallèles
Si ce système paraît avoir les faveurs du président, reste à connaître les modalités de la mise en place de cette réforme.
Le gouvernement optera-t-il pour
réformer le régime de base tout en maintenant le fonctionnement des régimes complémentaires ou choisira-t-il de transformer l'ensemble du système pour en créer un unique ?
Si le premier scénario présente l'avantage d'être plus progressif et de protéger la position des partenaires sociaux, il ne résout, qu'en partie, le problème de la complexité du modèle. Le second scénario, au contraire, bien que plus radical, présente l'avantage de simplifier véritablement le système français.
Quelle que soit la méthode privilégiée, la réforme sera lourde de conséquences pour de nombreux domaines. Le gouvernement estime que la transition prendra au minimum 10 ans.
3) Une réforme lourde de conséquences
Avec 15,6 millions de retraités aujourd’hui et 650 000 nouveaux retraités chaque année[2], la réforme des retraites est un sujet sensible, que l’Etat et les partenaires sociaux doivent préparer en amont.
Une première évaluation a permis à Stanwell d'identifier 4 principaux domaines affectés par les futures mesures.
A) Des impacts organisationnels
La réforme des régimes de retraite nécessitera la définition et la mise en œuvre d’un plan de transformation global de l’organisation des différents régimes. Ce plan de transformation devra notamment définir une nouvelle gouvernance précisant l’articulation du pouvoir décisionnel entre les trois niveaux de retraite existants (base, complémentaire et supplémentaire), ainsi que les nouvelles modalités de financement du ou des nouveaux régimes.
B) Des impacts humains
Dans le respect de la nouvelle gouvernance, le plan de transformation devra permettre de piloter l’affectation des ressources humaines en fonction de leurs compétences des besoins opérationnels et avec le souci de maintenir l’emploi.
Premiers concernés, les gestionnaires des régimes seront impactés au quotidien par la réforme.
Pour accompagner le personnel des différents organismes dans l'évolution de leur métier, il est recommandé de mettre en place des formations et des séances de sensibilisation aux nouveaux usages.
Ces formations permettront également de préparer les équipes à répondre aux interrogations des usagers.
C) Des impacts réglementaires
L'une des premières étapes sera de traduire dans les règlements les dispositions de la nouvelle législation. Le principe d’intangibilité des droits liquidés, le passage à un régime unique et le droit à l’information devront notamment être aménagés dans le cadre de la réforme. Capitale, cette étape permettra de garantir, de baliser et d'encadrer la mise en place de la réforme dans les meilleures conditions.
D) Des impacts informatiques
Dans le même ordre d'idées, il est à noter que la réforme aura un impact considérable sur la gestion des systèmes informatiques.
À l'heure actuelle, deux scénarios peuvent être envisagés :
E) Un effort de communication nécessaire
Pour minimiser les impacts de la réforme, un plan de communication complexe, porté par un grand nombre d’acteurs et de relais, devra être imaginé. Ce plan de communication s’adressera à des millions de clients et est indispensable pour accompagner la transition vers le futur régime de retraite, dans les meilleures conditions possibles.
La communication ne doit pas uniquement se faire en externe et doit également concerner les professionnels du secteur pour garantir la bonne compréhension et la bonne assimilation du nouveau cadre réglementaire.
Compte tenu des vastes impacts engendrés par une telle réforme pour tous les acteurs concernés, le gouvernement a nommé, en la personne de Jean Paul Delevoye, un haut-commissaire à la réforme des retraites.
Président de l'organe du même nom, il a pour objectif de préparer et de travailler avec les partenaires sociaux à l'élaboration du texte. Il devra notamment se pencher sur les modalités de la transition : progressive avec coexistence des deux systèmes pendant quelques années ou transition plus brutale avec suppression de l'ancien modèle d'une année sur l'autre.
Le calendrier de la réforme est le suivant :
- Mai Décembre 2018 :
Concertation avec les partenaires sociaux sur les grands principes de la réforme, ses modalités de mise en oeuvre et les conditions de la transition vers le nouveau systè
Consultation et participation citoyenne sur les grands thèmes de la concertation
- Décembre 2018 - janvier 2019 : Proposition des orientations de la réforme par le haut-commissaire
- 2019 : Présentation du projet de loi au conseil des ministres et déposition du projet de loi au parlement
- 2019 et plus : après le vote de la loi, application de la loi sur le plan réglementaire (élaboration des textes d'applications), institutionnel, notamment avec les caisse de retraites et opérationnel (déploiement des systèmes d'information et des services aux usagers).
Sources :
[1] Baromètre DREES, données 2017
[2] www.reforme-retraite.gouv.fr
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