Antoine Savard

Senior Manager
Spécialiste du digital et de la distribution, Antoine Savard accompagne les grands comptes des Services Financiers sur leurs transformations stratégiques et opérationnelles

3 changements induits par l'économie du partage pour l'assurance

Le développement des pratiques de partage induit trois changements de natures différentes pour le secteur de l'assurance :

  • L'usage remplace la propriété et brouille le modèle traditionnel de l'assurance des biens et des personnes. Le modèle traditionnel - où un individu (ou un groupe d'individus restreint et défini a priori) possède un objet et s'assure auprès d'un assureur contre les risques inhérents à l'usage de cet objet – est remis en cause. Dans l'économie du partage, un individu possède un objet et en partage l'usage avec un nombre important d'utilisateurs non définis à priori.
  • L'émergence d'une nouvelle classe d'acteurs économiques : les plateformes. Elles ont pour fonction d'organiser et de faciliter le partage à grande échelle de biens ou de services entre individus. Leur rôle d'intermédiation exacerbe le besoin de « confiance » des utilisateurs finaux.
  • L'ouverture vers de nouvelles manières de s'assurer : l'assurance collaborative ou communautaire entre pairs. Certains acteurs spécialisés utilisent les principes collaboratifs pour « désintermédier » l'assurance en remettant en cause les modèles distributifs traditionnels.


1/ L'usage remplace la propriété

La fonction historique d'un assureur est d'agréger des données sur les souscripteurs pour mutualiser les risques et optimiser les coûts. Or, cette notion de mutualisation est aujourd'hui de plus en plus contestée. En effet, en proposant une nouvelle manière de consommer, qui privilégie l'usage et le partage sur la propriété, l'économie collaborative invite à repenser en profondeur la manière de s'assurer.

Le concept de base de l'économie du partage consiste à monétiser l'usage de biens que l'on possède mais que l'on n'utilise pas à plein temps. Pour les locataires, l'avantage est d'accéder facilement et rapidement à ces biens sans investir dans leur achat. L'accès aux biens devient un service payé en fonction du temps ou de la distance.


2/ L'émergence d'une nouvelle classe d'acteurs : les plateformes

Le modèle de l'économie du partage s'appuie essentiellement sur l'échange de biens ou de services entre personnes. Autrefois basé sur les réseaux de proximité, ces échanges ont pris une nouvelle dimension avec l'arrivée de plateformes digitales qui permettent une mise en relation simplifiée entre un grand nombre d'acheteurs et de fournisseurs potentiels. En contrepartie, la perte de lien social peut s'accompagner par une perte de confiance des utilisateurs entre eux.

Les plateformes de l'économie de partage doivent donc agir comme des tiers de confiance et les assureurs peuvent apporter une caution supplémentaire comme ils ont su le faire jusqu'à présent dans l'économie traditionnelle.

"Les entrepreneurs-conducteurs d'Uber ont accès à une offre d'assurance facile à souscrire, et claire, chez notre partenaire Allianz. Cette offre est visible, l'assureur est connu de nos clients. Cela les rassure. Notre collaboration avec cet assureur 'pourvoyeur de confiance' était nécessaire pour que notre service fonctionne", souligne Alexandre Droulers, directeur du développement pour l'Europe de l'Ouest chez Uber.


3/ L'ouverture vers de nouvelles manières de s'assurer : l'assurance collaborative ou communautaire entre pairs.

L'économie du partage ouvre également la voie à un nouveau type de concurrence pour les Assureurs traditionnels. Certains acteurs (ex : Friendsurance, jFloat, Peercover, etc.) utilisent les principes collaboratifs pour désintermédier l'assurance, en remettant en cause les modèles distributifs « traditionnels ». Dans ce modèle d'assurance « peer-to-peer », les assurés ont la possibilité d'entrer en relation et de s'assurer entre eux via une logique de tontine (avec ou sans dimension affinitaire).


Les défis majeurs que posent la transition de la propriété à l'usage

Comment assurer la voiture d'un particulier louée par un tiers ? Comment garantir l'arrivée à destination d'une personne utilisant le covoiturage ? Comment couvrir les logements qui font l'objet d'échanges entre particuliers ?

Autant de questions auxquelles les assureurs sont confrontés. Après s'être montrés réticents face à ces nouveaux usages, les assureurs prennent le virage imposé par cette lame de fond en adaptant progressivement leurs savoir-faire techniques et commerciaux sur les dimensions suivantes :


1/ Accompagner ces nouveaux modèles en l'absence de données historiques précises

L'économie du partage transforme les risques traditionnels couverts par les assureurs. Cette évolution pose le problème des données statistiques utilisables par les assureurs pour réaliser leurs modèles actuariels. Cette contrainte questionne les assureurs sur la meilleure manière de s'engager sur ce nouveau marché.

Même si les garanties ressemblent à celles des contrats traditionnels, les critères habituels de tarification ne peuvent pas être utilisés (ex : location de véhicule avec le profil du conducteur). Dans ce contexte, les Assureurs doivent ajuster leur approche et concevoir des garanties « simplifiées » en faisant des projections qui pourront être ajustées par la suite lors de l'obtention des résultats techniques plus précis afin d'affiner les modèles tarifaires.


2/ Assurer la coexistence des différents modèles de tarification

Par ailleurs l'économie du partage impacte la tarification des offres. Les assureurs doivent en effet être en capacité d'assurer ces nouveaux besoins émergents tout en évitant des situations de sur-assurance ou de sur-tarification. Certains acteurs proposent ainsi de combiner l'assurance individuelle souscrite par les consommateurs et l'assurance de la plate-forme collaborative.

En France, Blablacar – qui travaille avec AXA - permet également aux conducteurs de prêter le volant à l'un des passagers pour les trajets longs : elle rembourse les frais de "surfranchise" que peut exiger dans ces cas-là l'assureur du conducteur. Des offres similaires ont été développées par Allianz avec la plate-forme de location de voitures entre particuliers Drivy.

Aux États-Unis, le partenariat entre Metromile et Uber répond à cette problématique en permettant aux conducteurs de soustraire le nombre de kilomètres faits dans le cadre d'Uber, afin de baisser le coût de leur assurance individuelle. L'économie de partage permet l'émergence d'assurance Peer to Peer (P2P) qui consiste, pour une communauté, à prendre en charge elle-même ses petits sinistres. Assortis bien souvent de système de cash-back, remboursant une partie des primes versées en fonction de la sinistralité de la communauté, ces nouveaux modèles font donc directement concurrence aux assureurs historiques sur les risques simples ou non aggravés.


3/ Définir les droits à appliquer en cas de litiges

Sur les sinistres, les assureurs doivent également apprendre à jongler avec deux contrats d'assurance en sachant dissocier la nature personnelle ou professionnelle de l'activité exercée. A titre d'exemple, l'assureur doit rapidement être en mesure de savoir quelle assurance appliquer pour une voiture utilisée en autopartage accidentée (l'assurance du propriétaire du véhicule ou l'assurance souscrite par le biais de l'entreprise en autopartage).


Les opportunités qu'ouvre le développement de l'économie du partage

En fonction du modèle économique et de l'assise financière, les besoins en assurance des plateformes de l'économie de partage peuvent varier :

  • A date, seules les plateformes de partage les plus avancées proposent déjà une assurance « intégrée » dans leur offre. A titre d'exemple, lors de la location de logement, Airbnb inclut par défaut dans son service aux « hôtes » une garantie en cas de dégâts, à hauteur de 800.000€.
  • A l'inverse, la plupart des nouvelles plateformes de mise en relation n'offre pas encore de garantie en cas de problème ou de sinistre.


1/ Développer des services d'assurance pour les plateformes

La création d'un partenariat entre un assureur et une plateforme pour proposer des services d'assurance complémentaires sous forme d'options peut permettre une relation gagnant-gagnant :

  • L'obtention de commission sur les contrats souscris par la plateforme et la capacité à asseoir sa proposition de valeur pour le nouvel acteur de l'économie du partage ;
  • Un nouveau canal d'acquisition client et la possibilité de valoriser une image de marque positive et innovante pour les assureurs.

Principalement développé à ce jour sur l'Auto, ce modèle laisse présager de belles perspectives pour les assureurs qui sauront se positionner sur les autres lignes métiers en adressant de manière pragmatique les défis inhérents à cette nouvelle économie.


2/ Innover afin de créer un relais de croissance pour l'avenir

A court terme, l'investissement réalisé par l'assureur dans cette nouvelle économie lui permet d'adresser plusieurs thématiques structurantes, notamment le digital et le développement de l'assurance temporaire (ou « Instant Insurance » ou « Usage-Based Insurance »).

A moyen terme, cette prise de position par l'assureur facilite l'innovation de produits qui permettront à ces nouveaux modes de consommation de bénéficier des mêmes garanties et protections que l'économie traditionnelle. Entre protection juridique, assurance contre la fraude, couverture des risques matériels et garantie des biens, l'assureur a de nombreuses cordes à son arc pour concevoir la proposition de valeur parfaitement adaptée à ces nouveaux usages. Les compagnies qui sauront profiter des opportunités qui s'ouvrent actuellement ont autant à gagner que les startups qu'elles serviront.



A propos de Stanwell Insight

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Par CapSens, agence fintech